Des témoignages anonymisés peuvent prouver un risque grave justifiant le recours par le CSE à une expertise santé sécurité et conditions de travail
Dans une entreprise d'au moins 50 salariés, le CSE peut décider du recours à un expert habilité notamment lorsqu’un risque grave, identifié et actuel, révélé ou non par un accident du travail, une maladie professionnelle ou à caractère professionnel est constaté dans l’établissement (art. L.2315-94 c. trav. ).
L’employeur peut contester cette décision devant le tribunal judiciaire (art. R. 2315-49 et R. 2315-50 c. trav. ).
En l’espèce, le CSE d’un établissement avait décidé de recourir à une expertise pour risque grave, l’employeur demandant l’annulation de la délibération du comité devant le tribunal judiciaire.
Parmi d’autres éléments de preuve, le CSE a produit, devant le juge des attestations anonymisées démontrant une altération des conditions de travail des salariés, une surcharge de travail, des moyens professionnels défaillants et inadéquats, une pression managériale constante et un climat de tensions. À la demande de l’employeur, le tribunal judiciaire a écarté des débats ces témoignages anonymisés au motif qu’ils ne permettaient pas à l’employeur de vérifier s’ils émanaient des salariés concernés.
Le CSE s’est alors pourvu en cassation en soutenant qu’en présence d'un risque de représailles pour leur auteurs, les attestations anonymisées sont des preuves recevables dès lors qu'elles sont corroborées par d'autres éléments probants.
En outre, le CSE avait pris soin de transmettre au seul tribunal les informations permettant d'identifier les témoins et de les relier ainsi à leurs attestations.
Le CSE démontre par ailleurs que l’employeur avait bien été en mesure de discuter du contenu des attestations en question, et qu’ainsi le principe du contradictoire avait bien été respecté, contrairement à ce qu’avait décidé le tribunal.
La cour de cassation a donné gain de cause au CSE en rappelant qu’un juge ne peut pas fonder sa décision uniquement ou de manière déterminante sur des témoignages anonymes et qu’il peut prendre en considération des témoignages anonymisés à la double condition, qu’ils aient été rendus anonymes a posteriori afin de protéger leurs auteurs, dont l'identité est néanmoins connue de la partie qui produit ces témoignages et qu’ils soient corroborés par d'autres éléments permettant d'en analyser la crédibilité et la pertinence.
En résumé, un tribunal judiciaire doit accepter d’examiner la valeur et la portée des témoignages dès lors qu’ils ont été anonymisés pour protéger les témoins de représailles et étayés par d'autres éléments..
(Cass. soc. 11 décembre 2024, n° 23-15154)
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